Quels sont les enjeux, les avantages et les conséquences juridiques, financières et fiscales d’une cession partielle dans une entreprise notariale ? Explications :
La cession partielle de parts sociales, définition et enjeux :
La cession partielle de parts dans une entreprise notariale consiste pour un notaire associé (le cédant) à transférer une partie de ses parts sociales ou de ses actions dans une société notariale (SCP, SEL, SPFPL, SAS, SPE, etc.) à un nouvel associé ou à un associé déjà en place (le cessionnaire), tout en conservant une participation dans l’activité de l’entreprise.
Cette opération présente pour le cédant une double utilité :
D’une part, une utilité patrimoniale et financière : la cession partielle permet au cédant de valoriser une partie de ses parts d’entreprise. Ce dernier va ainsi maintenir des revenus réguliers grâce aux dividendes associés aux parts conservées et participer aux bénéfices générés par l’activité notariale.
D’autre part, une utilité professionnelle et organisationnelle : la transmission progressive de responsabilités vers un nouvel associé permet d’alléger la charge de travail du cédant et de préparer sa transition vers la retraite. Cette opération assure la qualité et la continuité des services proposés à la clientèle, tout en maintenant la relation de confiance déjà existante.
Pour le cessionnaire, une cession partielle offre une entrée privilégiée dans l’entreprise. Elle permet de :
- s’intégrer dans une structure établie,
- bénéficier d’une clientèle existante,
- se former progressivement à la gestion notariale.
Quelles sont les implications juridiques, financières et fiscales d’une cession partielle de parts sociales ?
Les implications judiciaires
Pour une entreprise notariale, la cession partielle de parts sociales nécessite de respecter de nombreuses procédures, dont certaines sont spécifiquement attachées au type de société choisi par les notaires. Ce cadre englobe des obligations préalables d’information, l’obtention d’agréments et la tenue d’une assemblée générale approbative, sous peine de sanctions administratives et judiciaires.
Les obligations préalables d’information :
Le cédant ou le cessionnaire doit notifier l’offre d’achat au président de la chambre départementale des notaires, qui informe à son tour le président du conseil régional des notaires. Cette démarche doit notamment inclure :
- Une note explicative précisant l’identité des parties.
- Les modalités et l’objectif de cette offre d’achat.
- Les éléments justifiant la moralité et les compétences du nouvel arrivant (articles 23 à 25 du Règlement national du notariat).
Un audit financier et judiciaire de l’activité est également imposé au cédant afin d’évaluer l’état économique et les risques associés à la transmission d’une partie de son entreprise. Cette étape est obligatoire pour toutes les cessions de titres (à titre onéreux ou gratuit) (circulaire CSN n° 2014-4 du 1er août 2014).
L’obligation d’agréments :
Pour céder une partie des titres de l’entreprise, le cédant et le candidat repreneur sont dans l’obligation d’obtenir des agréments bien spécifiques :
- L’agrément des associés :
Tout d’abord, le cédant doit convoquer l’assemblée générale des associés conformément aux dispositions statutaires. La convocation doit mentionner explicitement dans l’ordre du jour l’offre de cession des parts sociales. L’associé doit en outre mettre à disposition les documents nécessaires à la prise de décision (l’offre d’achat, l’évaluation financière des parts, les qualifications professionnelles du nouvel associé, etc.).
Ensuite, lors de l’assemblée, les associés statuent sur l’agrément de l’offre de cession selon les règles de majorité spécifique à la forme sociétale de l’activité notariale :
- Pour une SCP : l’agrément doit être obtenu à la majorité des trois quarts des parts sociales détenues par les associés exerçant au sein de l’entreprise notariale (décret n° 67-868 du 2 octobre 1967).
- Pour une SEL : une approbation en assemblée générale extraordinaire est requise. La majorité simple peut suffire, sauf dispositions contraires mentionnées dans les statuts (décret n° 93-78 du 13 janvier 1993).
- Pour une SPFPL (Société de Participations Financières) et une SPE (Société Pluri-professionnelle d’Exercice) des restrictions spécifiques s’appliquent.
Une fois l’agrément voté, un procès-verbal détaillé consignant la décision adoptée est établi. L’intégration du nouvel associé fait l’objet d’une mise à jour des statuts de l’entreprise déclarée au Greffe du tribunal de commerce.
Bon à savoir :
Depuis le 1er octobre 2024, toutes les conventions de cession partielle de parts sociales doivent être portées par le cessionnaire à la connaissance du bureau du Conseil supérieur du notariat, dans un délai de 30 jours, via une téléprocédure. Ce dernier peut s’opposer à la cession par une décision motivée dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la déclaration (D. n° 2024-873, 14 août 2024, art. 183).
- L’approbation ministérielle :
Une demande de nomination du nouvel associé doit être adressée au garde des Sceaux, par téléprocédure via le site internet du ministère de la Justice. Cette demande doit inclure :
- Le contrat de cession.
- Une évaluation financière des parts de l’entreprise.
- Les justificatifs des qualifications professionnelles du nouvel associé (articles 46 et suivants du Décret n° 73-609 du 5 juillet 1973).
Les implications financières d’une cession partielle de parts
La cession partielle de parts sociales dans une entreprise notariale implique une évaluation minutieuse du prix des parts, un contrôle rigoureux du plan de financement du repreneur, ainsi qu’une gestion précise des engagements financiers liés à l’opération de cession.
Comment évaluer le prix des parts sociales ?
La valorisation des parts repose sur des critères objectifs. La valeur dépend notamment :
- des performances économiques de l’entreprise : à savoir, le chiffre d’affaires, les bénéfices réalisés sur les 5 dernières années, et l’état financier global.
- des perspectives de rentabilité future : l’évaluation intègre la capacité de l’entreprise à maintenir ou accroître son activité, en tenant compte de l’arrivée du nouvel associé.
En outre, la circulaire n° 103 du 26 juin 2006 pose le principe de la libre détermination du prix par les parties, mais sous le contrôle de la chancellerie qui s’exerce « en se référant uniquement aux usages de la profession et aux considérations économiques ».
Bon à savoir :
En cas de désaccord entre les parties, le prix des parts ou des actions est déterminé selon les modalités prévues par les statuts ou dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil. La jurisprudence précise que le juge ne peut corriger l’évaluation de l’expert, même en cas d’erreur manifeste ( Cass. 1re civ., 25 janv. 2005).
Le financement de la vente de parts sociales :
Le plan de financement du cessionnaire fait l’objet d’un contrôle rigoureux par la Chancellerie, qui évalue la capacité financière du candidat à respecter ses engagements. Ce contrôle garantit la stabilité financière de l’activité après la cession.
Le plan inclut :
- les sources de financement (fonds propres, emprunts bancaires),
- la capacité d’endettement du repreneur,
- et la viabilité économique de la reprise, notamment en cas de recours à un crédit.
Un défaut de solvabilité ou de financement peut entraîner une opposition à l’agrément ou à l’approbation ministérielle.
Les modalités de paiement :
Le paiement complet du prix de vente ne peut intervenir avant la prestation de serment du cessionnaire. En pratique, le montant est souvent versé en plusieurs étapes : un acompte lors de la signature de l’acte et le solde après la prise de fonctions dans l’entreprise.
Le saviez-vous :
La mention « payé comptant » ne doit pas figurer dans le contrat de cession. Un paiement anticipé constitue une faute professionnelle.
Les dettes et engagements financiers du cédant :
Le cédant reste responsable des engagements financiers et des passifs existants à la date de la cession. Une clause de garantie d’actif et de passif doit être insérée dans la convention de cession pour couvrir les éventuelles obligations non déclarées. Cette garantie protège le cessionnaire contre les dettes ou litiges antérieurs à l’opération.
Quelles sont les implications fiscales d’une cession de parts sociales ?
Les aspects fiscaux de la cession partielle sont déterminants pour le cédant et le cessionnaire.
- Les droits d’enregistrement :
Le repreneur doit régler des droits d’enregistrement calculés en fonction du montant de la cession. À savoir : 3 % pour un prix compris entre 23 000 et 200 000 euros ; et 5 % pour un prix de vente dépassant 200 000 euros.
Ces droits sont exigibles lors de l’enregistrement de l’acte de cession.
- L’imposition des plus-values :
La plus-value réalisée lors de la cession est soumise au régime des plus-values professionnelles. Elle est calculée sur la différence entre la valeur des parts cédées et leur valeur d’acquisition initiale. Le cédant peut bénéficier d’une exonération totale ou partielle de cette plus-value en fonction des recettes annuelles de l’entreprise (’article 151 septies du CGI) :
- Si les recettes annuelles sont inférieures ou égales à 90 000 euros : exonération totale.
- Si les recettes annuelles sont comprises entre 90 000 et 126 000 euros : exonération partielle.
Bon à savoir :
En cas de départ à la retraite, l’exonération totale sur les plus-values professionnelles spécialement applicable aux entreprises notariales est inapplicable en cas de cession partielle. En effet, seule une cession totale des parts sociales permet de bénéficier d’une telle exonération en ces circonstances.
Il est important de noter que ce dispositif s’applique aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu et ayant exercé leur activité pendant au moins cinq ans.
Cas pratique
Dans cette étude de cas, Monsieur Dupont, notaire associé dans une SCP, détient 50 % des parts sociales de son entreprise notariale, valorisées à 1 000 000 €. Après 15 ans d’exercice, il envisage soit une cession totale, soit une cession partielle de 25 % de ses parts.
Voici une comparaison des résultats fiscaux et financiers pour cette étude de cas, en tenant compte d’une exonération partielle de 50 % sur la plus-value :
Critère | Cession Totale (50 %) | Cession Partielle (25 %) |
---|---|---|
Valeur des parts cédées | 1 000 000 € | 500 000 € |
Plus-value imposable | 400 000 € | 225 000 € |
Impôt total | 188 800 € | 106 200 € |
Résultat net immédiat | 811 200 € | 393 800 € |
Revenus résiduels (5 ans) | – | 100 000 € |
Résultat global (5 ans) | 811 200 € | 493 800 € |
Qui rédige le contrat de cession de parts sociales ?
Une fois que le cédant et le repreneur ont trouvé un accord sur les conditions de la cession, il est essentiel de formaliser cet engagement par la signature d’un contrat de cession.
En pratique, ce contrat peut être un acte sous seing privé ou un acte authentique. Il est en général rédigé par le cessionnaire ou un conseil spécialisé sur les professions libérales réglementées.
Pour être valide, ledit contrat doit comporter :
- l’identité des parties : cédant et cessionnaire.
- la description des parts ou actions cédées : nombre, valeur nominale et origine.
- le prix de cession : avec les modalités de paiement (acompte, solde après prestation de serment).
- les conditions suspensives : notamment l’obtention de l’agrément des associés et l’approbation ministérielle (articles 46 et suivants du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973).
Certaines clauses doivent être spécifiquement adaptées au cadre notarial :
- Clause d’agrément : précise les modalités d’approbation par les associés, selon les statuts et la majorité requise (trois quarts pour les SCP, majorité simple pour les SEL).
- Clause de garantie d’actif et de passif : protège le cessionnaire contre les dettes ou litiges non déclarés à la date de la cession. Elle couvre également les engagements financiers liés à l’activité antérieure de l’entreprise.
- Clause de prix ajusté : prévoit une révision éventuelle du prix en fonction des performances économiques post-cession ou des risques identifiés lors de l’audit préalable.
- Clause de non-concurrence : encadre les activités du cédant pour éviter tout détournement de clientèle après la cession, dans les limites autorisées par la loi.
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