Lorsqu’une personne physique cède les titres d’une société, la plus-value dégagée est soumise au prélèvement forfaitaire unique de 30 % ou, sur option, au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Lorsqu’un associé souhaite vendre son entreprise pour investir dans une autre activité ou se diversifier, la fiscalité peut alors être un obstacle important. Pour préserver son capital, il est possible de recourir à l’apport-cession, stratégie d’optimisation à la fois fiscale et patrimoniale.
L’apport-cession implique que l’associé apporte ses titres à une société holding qu’il contrôle, cette dernière ayant vocation à les vendre pour réinvestir. La plus-value réalisée lors de l’apport bénéficie d’un mécanisme de report d’imposition.
Qu’est ce qu’un apport-cession ?
Un apport-cession est une opération financière qui se déroule en 3 temps.
Elle consiste pour une personne physique ou morale à apporter des titres de société à une société holding (1), créée en général pour les besoins de l’opération, en échange de la remise de titres de cette dernière. La holding vend ensuite les titres reçus pour une valeur proche de la valeur d’apport (2) et avec la trésorerie, réinvestit ensuite dans une autre société (3).
L’objectif principal de cette opération pour l’apporteur est de dégager de la trésorerie grâce à la vente des titres par la holding pour la réinvestir dans une autre activité, tout en bénéficiant d’un report d’imposition (en général, jusqu’à la revente des titres de la holding à un nouvel acquéreur).
L’apport-cession peut être utilisé dans le cadre d’une transmission d’entreprise ou de la réorganisation de son patrimoine. Il permet notamment de bénéficier d’une optimisation fiscale en évitant l’imposition des plus-values sur la cession des titres de la société apportée. Cependant, il convient de bien étudier les différentes conditions et conséquences fiscales liées à cette opération avant de la réaliser.
Il souhaite investir dans de nouvelles activités avec la trésorerie dégagée sur la vente des titres de sa société. La plus-value de cession serait alors de 950.000 €, soumise au prélèvement forfaitaire unique de 30%, soit une imposition de 285.000 €.
En revanche, s’il apporte ses titres à une holding qu’il détient à 100%, le paiement de l’impôt sur la plus-value d’apport de 950.000 € peut être reporté sous réserve de respecter certaines conditions. La holding vendra ensuite les titres pour 1.000.000 € et pourra réaliser l’investissement de Monsieur N grâce aux liquidités dégagées.
Pourquoi envisager un apport cession ?
L’apport-cession peut être envisagé pour plusieurs raisons, notamment pour :
Transmettre son entreprise : L’apport-cession peut être utilisé dans le cadre d’une transmission d’entreprise à ses héritiers ou à un repreneur, et l’interposition d’une holding facilite la gestion et la transmission de la société apportée.
Optimiser sa fiscalité : La plus-value dégagée lors de l’apport de titres à la holding bénéficie, sous conditions, d’un report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du CGI.
La cession ultérieure par la société holding des titres apportés est peu fiscalisée puisque le prix de vente sera très proche de la valeur d’apport retenue.
L’opération est fiscalement neutre, tant que l’apporteur ne cède pas les titres qu’il détient dans la holding.
Protéger et dynamiser son patrimoine : En apportant les titres de sa société à une société holding, le cédant peut protéger son patrimoine personnel en limitant sa responsabilité financière aux seuls titres détenus dans la société holding.
L’apport-cession permet également de dynamiser le capital du chef d’entreprise qui souhaite investir dans de nouvelles activités.
Simplifier la gestion patrimoniale : Enfin, l’apport-cession peut simplifier la gestion patrimoniale en regroupant les titres de plusieurs sociétés dans une seule société holding. La société holding peut ainsi permettre une gestion plus efficace et un meilleur contrôle des différentes participations.
Le Cabinet Bontemps peut vous accompagner dans la réalisation de ce type d’opérations.
Comment bénéficier du report d’imposition sur la plus-value d’apport ?
Un mécanisme de report d’imposition de la plus-value d’apport est prévu par l’article 150-0 B ter du code général des impôts. La plus-value est calculée au moment de l’opération ainsi que l’impôt correspondant (CGI, art. 200 A, 2 ter a), mais son paiement est reporté à une date ultérieure.
Pour bénéficier du report d’imposition, les conditions à respecter sont les suivantes :
- l’apporteur doit être une personne physique ;
- la holding recevant les titres doit être soumise à l’impôt sur les sociétés ;
- l’apporteur doit avoir le contrôle de la holding après l’apport.
Conditions tenant à l’apporteur
L’apporteur des titres doit :
- être une personne physique agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé (ceci excluant les plus-values professionnelles) ;
- être fiscalement domicilié en France au sens de l’article 4 B du CGI ;
Une personne non-résidente peut également en bénéficier si, en application des conventions internationales et de l’article 244 bis B du CGI, la plus-value d’apport est imposable en France.
- apporter des titres à une holding soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société ou d’un groupement “translucide” soumis au régime des sociétés de personnes visées par l’article 8 du CGI (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10, 20 déc. 2019, § 40).
Conditions tenant à la holding
La holding à laquelle les titres sont apportés doit :
- être une société de capitaux ;
- être soumise à l’impôt sur les sociétés (ou un impôt équivalent) en France, dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (pour connaître la liste des pays visés, voir BOI-ANNX-00082) ;
- rémunérer l’apport par des titres émis par elle-même représentatifs d’une quotité de son capital.
En cas de versement d’une soulte, celle-ci ne doit pas excéder 10 % de la valeur nominale des titres reçus. La plus-value correspondant à la soulte ne bénéficie pas du report d’imposition (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10, 20 déc. 2019, §150).
Condition tenant au contrôle de la holding
- A l’issue de l’apport, l’apporteur doit contrôler la société holding. Pour cela, l’apporteur doit remplir l’une des conditions suivantes (CGI, art.150-0 B ter, III-2°) :
il détient la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société considérée (il est fait masse des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de la société concernée détenus, directement ou indirectement, par le contribuable, son conjoint ou partenaire de PACS, leurs ascendants, leurs descendants et leurs frères et sœurs) ; - il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société considérée en vertu d’un accord avec d’autres associés ou actionnaires ;
- il exerce en fait le pouvoir de décision.
Il existe une présomption de contrôle lorsque le contribuable dispose, directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. Cette présomption peut être renversée par le contribuable ou par l’Administration fiscale.
Réinvestissement dans le cadre d’un apport-cession
La seconde étape de l’apport-cession est la vente par la société holding des titres dont elle est désormais propriétaire suite à l’apport. Elle va ensuite réinvestir le produit de la vente dans une autre activité.
Que se passe t’il après la cession des titres reçus en apport ?
Tout dépend de la date à laquelle la holding cède les titres reçus en apport :
- si la cession intervient plus de 3 ans après l’apport, le report d’imposition dont bénéficie l’apporteur est maintenu ;
- si la cession intervient moins de 3 ans après l’apport, le report d’imposition “tombe” sauf si la holding s’engage à réinvestir dans un délai de 2 ans au moins 60 % du produit de la cession :
- dans le financement de moyens permanents affectés à son activité libérale, commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou financière ;
- ou dans l’acquisition de titres d’une société dont elle acquiert le contrôle.
Fin du report d’imposition
Le report d’imposition dont bénéficie la plus-value d’apport n’est pas éternel… il prend fin dans l’un des cas suivants :
- lorsque les titres de la holding reçus en rémunération de l’apport sont vendus ou lorsque le capital de la holding est réduit par rachat, remboursement ou annulation de titres ;
- si l’apporteur transfère son domicile fiscal hors de France (CGI, art. 167 bis) ;
- en cas de donation des titres de la holding suivie de leur cession, remboursement ou annulation dans un certain délai (CGI, art. 150-0 B ter, II) ;
- si, dans les 3 années suivant l’apport, les titres apportés sont vendus, remboursés ou annulés, sauf si la holding réinvestit le produit de la cession (V. au paragraphe précédent les conditions du réinvestissement permettant le maintien du report d’imposition).
L’apport-cession : une stratégie à long terme
Anticipation
L’apport-cession nécessite une étude préalable sur le projet du dirigeant : évaluation de l’entreprise qui sera apportée, connaissance des objectifs (transmettre son entreprise, changer de carrière professionnelle…)
Cette étude préalable ne peut être faite qu’en étant accompagné par un expert juridique qui saura traduire vos besoins en minimisant les risques.
Le véhicule de l’apport cession étant la holding à laquelle les titres seront apportés, il faudra impérativement qu’elle soit constituée avant l’apport (holding préexistante ou holding nouvelle).
Stratégie de réinvestissement
La stratégie de réinvestissement de la holding est guidée par les impératifs de l’article 150-0 B ter.
Comme évoqué plus haut, si la vente des titres apportés intervient après 3 ans, la holding peut réinvestir dans n’importe quelle activité, qu’elle soit économique (libérale, commerciale…) ou patrimoniale (immobilier, marchés financiers).
En revanche, si la cession des titres intervient dans les 3 ans de l’apport, la holding doit nécessairement réinvestir une part substantielle du prix de vente (au moins 60 %) dans un délai de 2 ans dans les biens ou activités listés par l’article 150-0 B ter (PME opérationnelles, FCPR, FCPI, SCR, sociétés de libre partenariat (SLP) qualifiés, ou moyens permanents d’exploitation). Une sélection rigoureuse sera nécessaire pour éviter tout risque de contestation de la part de l’Administration fiscale.